L'Ecologie et la Solidarité en actes

Ghyslaine DEGRAVE milite depuis plus de 20 ans à la transformation de notre société où la nature, la biodiversité et l’humain sont les enjeux principaux. Chacun, dont le plus défavorisé, doit pouvoir vivre dans un environnement sain et agréable et dans un logement de qualité, pouvoir accéder à l’éducation et aux loisirs, se soigner, se déplacer, se former tout au long de la vie et bénéficier d’un travail épanouissant. Cela nécessite le respect de notre planète et de ses ressources naturelles, de vivre autrement, de produire et de consommer différemment...


2 février 2012

Villages Nature, un avis défavorable

La commission locale de l’eau (CLE) du bassin versant de l’Yerres est une instance de décision de la politique de l’eau à une échelle locale, qui définit les objectifs et les mesures du Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) de l’Yerres visant à atteindre un bon état écologique et chimique de l’eau, sur un périmètre regroupant 118 communes de l’Essonne, du Val de Marne et de la Seine et Marne.
L’approbation du SAGE conformément à la directive européenne, à la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 et aux orientations du bassin Seine Normandie a eu lieu le 13 octobre 2011.

A ce titre, la CLE a été interpellée pour donner son avis sur le projet Villages Nature en Seine et Marne. En tant que conseillère régionale et membre du bureau de la CLE, j’ai donné un avis négatif lors de la séance du 13 janvier dernier.

Vous trouverez, ci-dessous, les réserves que j’ai émis.

« Le Village Nature est une nouvelle destination touristique d’envergure européenne, comportant environ 1730 unités d’hébergement (2 300 unités à terme), réalisées sous forme de résidences de tourisme et/ou d’hôtel avec un parc aquatique et son lagon géothermique, et d’autres équipements de loisirs, commerciaux et bureaux sur un territoire d’environ 259 ha situé sur les communes de Villeneuve-le-Comte, de Serris et de Bailly-Romainvilliers (Seine et Marne).

Villages Nature montre une volonté de limitation de l’empreinte écologique dans son projet. Cependant, on peut observer de nombreux écueils : le caractère non obligatoire de la quasi-totalité des prescriptions et l’absence de contrôles les rendants incertaines, un manque d’ambition en matière de qualité environnementale du bâti (le minimum obligatoire), une volonté de recourir à des produits agricoles locaux bio et de saison se heurtant à la réalité insuffisante de la production locale, des
transports insuffisants (liaison TC suspendue..) pour des besoins nombreux de déplacements, une gouvernance sans partenaires locaux…

En définitif, le projet Villages Nature est un projet économique reposant sur le tourisme international, il n’est pas écologique sur le fond. Pourquoi payer pour être dans la nature et pourquoi créer un environnement artificiel plutôt que de valoriser un environnement naturel et essayer de s’y intégrer ?

Le projet touristique Villages Nature s’appuie sur l’eau pour créer les ambiances aquatiques et hydrauliques nécessaires au village lacustre et l’utilise pour accompagner le projet « Nature » développé dans le concept du lieu. La présence de l’eau pluviale et l’installation de milieux aquatiques constituent par conséquent des points stratégiques pour le projet. La bonne qualité de l’eau et la préservation des milieux aquatiques créés ou conservés sont nécessaires pour la pérennité du projet.
Par ailleurs, la réalité du territoire fait apparaître des problèmes de tension sur la ressource en eau avec une maîtrise des prélèvements et des contraintes sur les autorisations.

Ces plans d’eau et leurs rejets devront aussi respecter les prescriptions définies par la directive cadre sur l’Eau et le SDAGE, et notamment les objectifs d’atteinte du bon état de la Marsange à l’horizon 2021. Le projet s’inscrit dans le SAGE du bassin versant de l’Yerres, en particulier en ce qui concerne l’objectif d’atteinte du bon état des masses d’eau et de la gestion quantitative de la ressource en eau, de la prise en compte des zones humides par compensation « [de] la disparition de toute surface de zones humides par la création ou la restauration de zones humides équivalentes permettant d’assurer les mêmes fonctions d’épuration des eaux, de reproduction, de repos, de nourriture, de déplacement des populations animales et végétales, à hauteur de 1,5 fois la surface perdue ».

Le projet Village Nature repose en grande partie sur une pluviométrie abondante et des précipitations permettant d’abonder les bassins, tout en en priorisant la garantie d’infiltration des eaux pluviales et de ruissellement par des dispositifs de gestion diffuse ( fossés, noues…) vers les nappes phréatiques suite aux effets de la nouvelle urbanisation.

La destruction ou l’altération des fonctionnalités des zones humides nécessitent des mesures compensatoires à la dégradation des zones humides existantes pour maintenir ou restaurer la fonctionnalité hydraulique. Ces mesures sont liées en partie aux bons résultats de négociations foncières (Talweg de la Lignière, entre autres) dont l’aboutissement n’est pas finalisé.

La maîtrise de la ressource en eau est un enjeu majeur en Seine et Marne et l’Etat a attiré l’attention des promoteurs du projet Village Nature sur le fait que la nappe de Champigny ne saurait être sollicitée par de nouveaux prélèvements et que les gestionnaires devront s’engager sur une utilisation de zéro intrant pour l’entretien de leurs espaces.

La pluviométrie au droit du site du projet a une influence sur la recharge de la nappe des calcaires de Champigny en aval. Cette influence est double :
- d’une part, le ru de la Folie et son affluent le ru de la Lignière, sont des exutoires des eaux de ruissellement du site de projet,
- d’autre part, la nappe des calcaires de Brie alimentée par l’infiltration efficace au droit du site, soutient le débit du ru de la Folie en étiage, qui se jette ensuite dans la Marsange à Favières.

Malgré cinq années de recharge supérieure à la normale, entre 1999 et 2003, le niveau de la nappe est redescendu en 2008 à des niveaux de crise. La nappe du calcaire de Champigny a ainsi été classée en Zone de Répartition des Eaux (ZRE) par arrêté préfectoral du 31 juillet 2009. L’inscription en ZRE a pour objectif de retrouver une gestion durable de la ressource en eau. Elle vise également à initier une démarche de maîtrise des prélèvements actuels pour parvenir à une gestion équilibrée de la ressource en eau.

Aussi, avec toutes les réserves précédemment citées, dont notamment la ressource en eau et le bon état des masses d’eau ainsi que la compensation incertaine des zones humides, j’émets un avis défavorable sur le projet. »