Fait historique, l’espérance de vie aux États-Unis a reculé selon une récente étude. Si les maladies liées au mode de développement et à la sur-consommation sont stigmatisées avec les phénomènes afférents d’obésité, de maladies cardio-vasculaires et autres pathologies associées, il apparaît après analyse que c’est bien les inégalités d’accès au système de soins qui pénalisent une large part des citoyens américains et fait chuter l’espérance de vie.
En France, si l’espérance de vie continue à croître grâce notamment aux progrès de la médecine, en revanche la durée de vie en bonne santé a reculé pour les femmes entre 2005 et 2008.
Les parlementaires d' Europe Ecologie Les Verts (EELV) mettent en exergue l’opacité du système de mise sur le marché de médicaments inefficaces et dangereux comme l’affaire du Médiator le démontre. La règle de base des 4 P (prudence, prévention, précaution, protection) n’est pas de mise en France.
Transparence et indépendance dans la mise sur le marché et l’évaluation des médicaments
Le manque d’indépendance des autorités sanitaires au niveau financier entraîne un manque d’indépendance au niveau de l’expertise technique et c’est bien là le noeud du problème : 67% des experts sont liés aux laboratoires pharmaceutiques. Seule la revue Prescrire est totalement indépendante dans l’éclairage du personnel médical et les conflits d’intérêts sont légion dans ce système. Selon le directeur adjoint de la CNAM, il y aurait en France environ 25 000 visiteurs médicaux employés par les laboratoires contre seulement 2 500 praticiens conseil de l’Assurance maladie et donc neutres. Pour sortir de ce cercle infernal, il faut doter l’AFSSAPS d’experts internes, statutaires de haut niveau et indépendants, détachés des universités et capables de prendre publiquement la responsabilité de leurs décisions. Il convient de resserrer les mailles du filet de notre système de pharmacovigilance et de renforcer l’indépendance, la transparence et l’impartialité des décisions ainsi que d’améliorer la formation continue des médecins (98% de celle-ci est aujourd’hui financée par les laboratoires).
Un usager de plus en plus enclin à l’automédication et à la surmédication
En France, concernant les antibiotiques, la consommation est 2 à 2,5 fois plus importante qu’en Allemagne et 5 fois plus qu’au Royaume-Uni. Plus généralement et par personne, les français consomment 6 fois plus de médicaments que les hollandais.
Chaque année, 8 000 morts sont dus à des interactions médicamenteuses ; chaque français consomme en moyenne 29 comprimés de psychotropes.
Face à cette surconsommation il faut proposer une vraie politique de prévention et une régulation des prescriptions en quantité et qualité grâce à une meilleure mise en réseau des professionnels de santé.
Cette surmédication a des conséquences sur l’environnement. La revue Prescrire émet l’hypothèse selon laquelle la remise en circulation des eaux usées chargées en traces de médicaments aurait des influences sur le changement de sexe observé chez les poissons, une accélération notable de notre capacité à résister aux antibiotiques, la multiplication d’hermaphrodisme. Il convient d’urgence d’organiser une filière de gestion des déchets médicamenteux. La politique de prévention concerne pourtant seulement 3% du budget de santé publique et la loi HPST conserve l’approche d’une politique de prévention assimilée au simple dépistage ou à l’éducation thérapeutique du patient.
Usager = vache à lait : vers la hausse des inégalités d’accès aux soins
Les gouvernement depuis 2005 pratique une politique de déremboursement de médicaments qui va crescendo :
- 2005 = participation forfaitaire : chaque acte est facturé un euro
- 2006 = participation forfaitaire de 18 euros pour les actes supérieurs à 91 euros
- depuis 2006 les déremboursements de médicaments ont coûté plus d’un milliard par an aux ménages (les médicaments anciennement remboursés à hauteur de 35% par la Sécu le sont désormais à hauteur de 15%).
- 2008 = mise en place de franchises médicales (0,50 centimes d’euro par boîte)
S’ajoute à cela l’explosion du forfait hospitalier fixé depuis 2010 à 18 euros par jour en hôpital et qui s’ajoute au ticket modérateur.
Ainsi aujourd’hui ce sont les plus vulnérables qui payent pour les riches. 64% des dépenses de santé se concentrent sur 14% de la population (personnes âgées et précarisées).
La politique gouvernementale actuelle nous éloigne des grands principes ayant fondé notre système de santé : un système solidaire et transgénérationnel.
Enfin, le gouvernement tente de sabrer la couverture maladie universelle dont 4 millions de personnes sont bénéficiaires alors qu’il y a 8 millions de compatriotes vivant sous le seuil de pauvreté.
En 2011, la gratuité de l’AME pour les étrangers sans titre de séjour est supprimée (il faut dorénavant payer 30 euros pour bénéficier du système).
Des solutions existent pourtant :
- il faut sanctionner les médecins refusant les bénéficiaires de la CMU
- il faut réguler l’installation des médecins pour éviter les déserts médicaux
- il faut supprimer le droit d’entrée à l’AME
Aujourd’hui, 69% des français estiment payer trop cher l’accès aux soins ; 13% doivent se limiter en matière de soins médicaux ; 20% des étudiants n’ont pas de complémentaire santé ; 2,6 millions de français rencontrent des difficultés dans l’accès aux soins.
Une proposition politique qui correspond à nos valeurs républicaines : instaurer une participation des patients non pas seulement en fonction de leur besoin en soin mais aussi et surtout en fonction de leurs revenus. Mettre de l’équité dans un système pour le sauver et le rendre juste.
Enfin, un secteur est complètement délaissé : la médecine du travail. Or, les déclarations maladie ont quadruplé ces dix dernières années. La précarisation des conditions de travail, l’atomisation du salariat entraînent une hausse des maladies liées au travail.
Face à des médecins du travail de moins en moins nombreux et vieillissants, il convient de réinvestir ce domaine pour faire de la médecine du travail et du bien être une priorité s’imposant aux entreprises.
Quelles orientations dans la nouvelle réforme de la santé publique ?
L’état de santé des Français est l’un des meilleurs au monde. Néanmoins notre système est très coûteux
(2 à 3 points de plus de PIB que les autres pays de l’OCDE). À cela s’ajoute une casse du service public hospitalier avec 9 800 suppressions de postes en 2009 et une fermeture programmée de dizaines d’hôpitaux sur le territoire.
Pour sauvegarder notre système de soins, il faut :
- augmenter les recettes de l’assurance maladie.
- désengorger l’hôpital avec les premiers secours administrés par des maisons médicales de proximité pluridisciplinaires et qui assurent la permanence des soins et permettent aux médecins libéraux de partager les frais d’installation.
- ne pas aligner les tarifs du privé et du public
- rationaliser les dépenses en investissant dans la prévention.
Des lanceurs d’alerte ignorés
L’occasion d’appeler une fois de plus à la réforme de l’Agence européenne du médicament. Le scandale sanitaire du Médiator a mis en exergue la collusion qui existe entre industrie pharmaceutique, experts scientifiques et responsables d’agences sanitaires.
Nous avons les éléments démontrant que cette connivence a aussi existé en Belgique pour protéger l’Isoméride, produit cousin du Mediator, appartenant au laboratoire Servier.
Dès 1991, des médecins ont envoyé un signal de phar macovigilance après avoir constaté des valvulopathies (anomalies cardiaques) chez quelques patientes prenant de la fenfluramine (Isoméride) pour leur surcharge pondérale.
Fin 1994, le docteur Xavier Kurz, du centre de pharmacovigilance belge, rédige un rapport dans lequel les alertes sur les risques de valvulopathies lancées par ces médecins belges
sont minimisées et contestées. Et jusqu’en 1997, c’est le silence du côté du laboratoire Servier. L’Isoméride est finalement retiré du marché en France et aux Etats-Unis à la suite d’une alerte outre Atlantique.
Si les notifications de ces lanceurs d’alerte belges avaient été sérieusement prises en considération, ces médicaments n’auraient pas été commercialisés aux Etats-Unis et le retrait de l’Isoméride et du Pondéral serait probablement survenu plus tôt en France. Des milliers de patients auraient pu être épargnés d’effets cardiovasculaires indésirables graves.
La problématique des conflits d’intérêts n’est pas strictement un problème “franco-français”, elle se pose également à l’Agence européenne des médicaments, dont la vocation est de donner des avis scientifiques à la Commission Européenne afin que celle-ci décide de délivrer, ou non, une autorisation de mise sur le marché à des médicaments.
L’OLAF saisi
En février 2011, les représentants de EELV saisissent l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) pour que ce dernier enquête sur les soupçons de conflits d’intérêts qui pèsent sur l’Agence. L’OLAF a ouvert une enquête interne le 22 juillet 2011 afin de vérifier ces allégations et une investigation interne est actuellement en cours.
Dans l’attente du résultat, la lecture du Livre noir du médicament de la journaliste Corinne Lalo paru en novembre 2011 vous est recommandée.